L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir – Rosa Montero

004038943Marie Curie fait partie des mythes féminins. A une époque où la France était pays avec une société patriarcale, misogyne et raciste, les réalisations de cette immigrée polonaise constituent une réussite exceptionnelle.  Marie et Pierre Curie ont travaillé pendant des années ensemble et se sont toujours soutenus dans les épreuves, chacun reconnaissant ce que l’autre lui apportait.

Elle n’a que 38 ans lorsque l’amour de sa vie décède tragiquement d’un accident : Pierre se fait écraser par une calèche.

Rosa Montero, fascinée par la vie de cette femme d’entre deux siècles, décide d’écrire une courte biographie dans laquelle elle souhaite se projeter. Elle a de nombreux points commun avec Marie Curie, et notamment celui d’avoir perdu son âme soeur, Pablo, à un âge « trop » jeune.

« L’envie d’utiliser sa vie comme un mètre étalon pour comprendre la mienne. » (page 17)

Dans ce livre qui peut être considéré comme un essai autobiographique et biographique, Rosa Montero écrit des pages très intéressantes et très profondes sur le deuil et l’écriture. Mais elle écrit également d’autres passages d’une qualité douteuse, en développant des clichés sur plusieurs pages. Elle est réellement capable du meilleur comme du pire, le pire étant notamment atteint lorsqu’elle cite le présentateur TV français Arthur pour parler du mariage… Et que dire de son obsession pour les hashtags, qu’elle tartine à longueur de page ?!

Malgré un style qui était donc très loin de me plaire, j’ai réussi à aller jusqu’au bout de cet essai car le sujet est tout de même intéressant. Marie Curie est en effet une femme d’une lucidité incroyable sur ses propres capacités et d’une intelligence hors-norme : elle a conscience de ses dons, de son potentiel et l’assume. De ce point de vue, j’ai fait des liens avec la vision que Simone de Beauvoir a d’elle-même et de son potentiel dans Mémoires d’une jeune fille rangée.

J’ai regretté que la structure de cet essai soit aussi « scolaire » : Rosa Montero cite régulièrement Marie Curie (par un extrait de lettre ou de journal intime), qu’elle analyse ensuite (de façon peu convaincante) et qu’elle compare enfin avec son propre vécu. Cette structure répétée tout au long du livre est plutôt lassante et joue en défaveur de Rosa Montero. En effet, les mots de Marie Curie étant très touchants et très fins, ceux de l’écrivaine espagnole apparaissent encore plus grossiers par comparaison. Je dois toutefois reconnaître que l’écriture de Montero devient lumineuse lorsqu’elle arrête de raconter des banalités et des généralités et qu’elle parle de sa relation avec Pablo. Je crois n’avoir encore jamais lu un livre aussi inégal !  En effet, à certains moments, Rosa Montero arrive à toucher la vérité.

« la littérature fait de nous une partie du tout et, dans le tout, la douleur individuelle semble faire un peu moins mal. […] l’art parvient à transformer cette douleur laide et sale en quelque chose de beau. Je partage une nuit déchirante et, en le faisant, j’arrache des étincelles de lumière à l’obscurité. […] Les êtres humains se défendent de la douleur insensée en l’ornant de la sagesse de la beauté. » (p.115)

Difficile de savoir si ce livre est à conseiller ou non ! La beauté de certaines pages me pousse tout de même à le recommander…

Référence

Rosa Montero, L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir, traduction de Myriam Chirousse, éditions Points, 201 pages

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