L’origine des autres – Toni Morrison

MORRISON« La race est la classification d’une espèce et nous sommes la race humaine, point final. Alors quelle est cette autre chose : l’hostilité, le racisme social, la fabrication de l’Autre ? » (page 25)

La race est une idée et non un fait. Pour l’instaurer, il a donc fallu développer l’idée d’une altérité : fabriquer l’Autre. Ce processus est notamment passé à travers la littérature. La case de l’oncle Tom n’a ainsi pas été écrit pour les noirs mais pour les blancs. Cette littérature a permis aux blancs de cautionner des actes inhumains en les justifiant par le fait que les noirs avaient besoin de cette domination du fait de leur infériorité.

En réalité, les noirs furent indispensables à une définition blanche de l’humanité. En fabriquant un Autre noir, les blancs américains créaient leur propre identité.

« La nécessité de faire de l’esclave une espèce étrangère semble une tentative désespérée pour confirmer que l’on est soi-même normal. » (p.34)

Ce livre de Toni Morrison est extrêmement riche car il puise à la fois dans l’Histoire américaine mais aussi dans la sociologie, afin de comprendre comment et pourquoi le racisme est né aux Etats-Unis. Et pour cela, elle développe un concept formidable, celui de bannir le mot « racisme » et d’emprunter l’expression d’origine des autres. Dans les derniers chapitres de ce texte, elle explique ses intentions à travers ses choix d’écritures : personnages, intrigue, époque, etc. Elle explique par exemple que dans ses derniers romans elle a préféré exclure la façon majoritaire de traiter de la couleur de peau, qui consiste tout simple à décrire les personnages par leur couleur. Elle préfère exprimer cette couleur de manière implicite car il est bien plus riche et parlant de situer les personnages socialement selon elle : en racontant leur pauvreté, l’endroit où ils s’assoient dans un bus ou dans un lieu public…

« […] franchement, savez-vous quelque chose de ces personnages quand vous connaissez leur couleur ? Quoi que ce soit ? » (p.58)

Ces textes sont très accessibles. Toni Morrison illustre chacune de ses idées par un ou plusieurs exemples pris dans de la fiction littéraire ou dans des essais ou textes d’époque. Elle agrémente cela de quelques anecdotes personnelles, ce qui rend cette lecture très éclairante.

« […] je veux recourir à la littérature afin de commenter le poison de l’extranéité. » (p.83)

Référence

Toni Morrison, L’origine des autres, éditions Christian Bourgeois, traduction Christine Laferrière, 93 pages

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