Une longue impatience – Gaëlle Josse

Louis a 16 ans quand sa mère ne le voit pas rentrer à la maison. Elle l’a élevé dans une extrême pauvreté jusqu’à ce qu’elle se remarie avec le pharmacien du village breton dans lequel elle vit. C’est un mariage d’amour, un mariage qui réunit deux personnes de milieux sociaux opposés. Louis a eu beaucoup de mal à trouver sa place au milieu de cette nouvelle famille. Ainsi, quand elle ne le voit pas revenir, elle n’est pas tellement suprise. Elle craignait sa fuite depuis quelques temps maintenant.

Ce roman, c’est celui de l’attente d’une mère, qui imagine son fils parti sur un bâteau de pêche, libre d’aller où bon lui semble, libre de ne pas être jugé, libre tout simplement. L’attente d’Anne est déchirante. Elle sombre dans une tristesse de plus en plus profonde à mesure que ses espoirs de le revoir s’envolent, et finit par tomber dans la dépression.

Une longue impatience m’a énormément émue, émue jusqu’aux larmes. Gaëlle Josse a un talent incroyable pour laisser parler les silences et en faire des émotions intenses. Je peux comparer l’effet qu’elle a sur moi à certains dessins de Jirô Taniguchi, qui arrive à livrer les sentiments de ses personnages en les dessinant de dos, face à un paysage. Un don !

Je suis extrêmement reconnaissante à mon amie Anne, qui m’a offert cette petite pépite lorsque j’étais alitée à la fin de ma grossesse et que j’avais beaucoup de mal à trouver de la motivation à lire. J’ai dévoré ce roman en très peu de temps, quelle tristesse et quel bonheur il a pu me procurer en même temps !

Référence

Gaëlle Josse, Une longue impatience, éditions J’ai lu, 187 pages

Papa Longues-Jambes – Jean Webster

Jerusha Abbott est une jeune femme de 17 ans qui vit dans un orphelinat aux Etats-Unis au début du XXème siècle. Bien qu’elle n’ait plus l’âge d’y résider, elle y vit parce qu’en contrepartie, elle travaille pour l’orphelinat en s’occupant des enfants. Un jour, elle est informée qu’un généreux donateur qu’elle ne connaît pas (et qu’elle décidera d’appeler Papa Longues-Jambes) lui offre de lui payer l’Université. Il estime, d’après des dires, qu’elle serait capable de devenir écrivaine et souhaite ainsi financer ses études.

Jean Webster écrit ce roman jeunesse sous la forme épistolaire et ce sont les lettres écrites par Jerusha à son mystérieux donateur, que nous lisons. En acceptant son don, elle a également dû s’engager à lui donner de ses nouvelles tout en sachant qu’il ne lui répondrait jamais.

Le roman se lit particulièrement vite et facilement car il est d’abord très plaisant. J’ai beaucoup aimé m’imaginer le quotidien de cette jeune femme au début du XXème siècle dans une université américaine. Ce contexte avait quelque chose de particulièrement grisant, et je visualisais les vieilles bâtisses en pierre rouge avec du lierre grimpant, ainsi que les costumes des personnages. La forme épistolaire participe certainement à un certain dynamisme de la narration, qui rend la lecture d’autant plus accessible pour le jeune public. J’ai toutefois été assez gênée par un défaut qui me semble de taille : le ton et les tournures employées par Jerusha dans ses lettres n’ont rien de vraisemblable. En effet, Jerusha raconte son quotidien comme si elle n’avait qu’une douzaine d’années environ. Il y a une candeur et un ton bien trop enfantin dans ses écrits pour que ses lettres soient crédibles. J’ai réussi à passer outre ce défaut, en me disant que c’était certainement voulu, pour rendre la lecture plus agréable aux enfants/ados lecteurs. Malheureusement, je ne suis pas certaine que d’autres lecteurs adultes arriveront à ne pas en tenir rigueur à Jean Webster.

Référence

Jean Webster, Papa Longues-Jambes, éditions Flammarion, traduit par Michelle Esclapez, 224 pages

Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur – Maurice Leblanc

Qui n’a jamais entendu parler d’Arsène Lupin ? Faut-il présenter ce personnage de la littérature policière ? Même si je le connaissais, je n’en avais encore jamais lu une seule aventure jusqu’à présent. Quel dommage ! Sur les conseils de @clairethefrenchbooklover, j’ai donc commencé ma découverte avec ce roman ou devrais-je dire ce recueil de nouvelles ?

Ce cambrioleur oeuvre à Paris et en Normandie, au début du XXème siècle. Il a un talent particulier pour le déguisement, et sait ainsi suffisamment bien se maquiller, s’habiller et singer des manières d’être, pour qu’on ne le reconnaisse jamais. Il peut ainsi commettre ses méfaits au nez et à la barbe de tous, avec parfois une certaine moquerie pour ceux qui se font dûper. Au-delà du fait qu’il sait se fondre dans la haute société pour mieux préparer ses coups, il a un don hors du commun pour inventer des énigmes les plus recherchées.

Dans Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur, Maurice Leblanc fait parler l’un des proches d’Arsène Lupin, qui est dans la confidence de son identité. Celui-ci tient donc le rôle de narrateur et s’amuse particulièrement à raconter les aventures de son ami. Chaque chapitre peut ainsi se lire comme une histoire à part entière (une nouvelle ?), avec ses propres personnages, son intrigue, ses rebondissements et sa conclusion. A chaque chapitre, je me suis laissée emportée par l’intrigue, me demandant toujours ce que Maurice Leblanc allait bien pouvoir inventer pour suprendre son lecteur. J’ai plus particulièrement aimé les aventures dans lesquelles Arsène Lupin annonce à l’avance à un bourgeois qu’il va le cambrioler et une autre dans laquelle il est emprisonné et annonce à tous qu’il n’assistera pas à son procès.

Voici donc un vrai page-turner, très accessible et idéal lorsque l’on a des plages de lecture réduites et peu de disponibilité d’esprit. C’est particulièrement réconfortant et gratifiant de lire Arsène Lupin car on y prend plaisir à chaque chapitre, qui dure environ une vingtaine de minutes. Bref, ce fut un vrai coup de coeur, que je regrette de ne pas avoir découvert plus tôt et pour lequel je n’ai absolument aucun bémol ! Aucun ? Si, peut-être qu’il n’y a pratiquement aucun personnage féminin, quel dommage !

Référence

Maurice Leblanc, Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur, 192 pages

Mon premier meurtre – Harriet Tyce

Alison a la quarantaine et a à la fois une jolie carrière d’avocate et une belle famille. Pourtant, elle ne peut s’empêcher de vivre sans penser aux conséquences. Elle a ainsi l’habitude de sortir faire la fête et de tromper régulièrement son mari avec un confrère. Un jour, on lui confie un dossier particulièrement intéressant, son premier meurtre.

Je ne sais par quel bout commencer ma chronique, tant j’ai trouvé le niveau de ce roman affligeant ! J’ai abandonné cette lecture au bout de 50 pages, ce qui est un plutôt bel effort compte tenu de ses nombreux défauts. Je dirais que le plus gros de ceux-ci est le manque total de crédibilité du personnage principal, qui s’avère être la narratrice de l’histoire. Alors qu’Alison est censée être une avocate pénaliste londonienne, mère de famille, quarantenaire, elle agit et parle comme une adolescente demeurée. Cela rend bien évidemment la lecture extrêmement pénible. Vous n’imaginez pas le niveau des dialogues, très nombreux dans la narration…

Pourtant, il ne m’aurait pas semblé invraisemblable qu’un personnage tel que celui d’Alison soit confronté à des tensions dans son couple, qu’elle ait un amant, etc. L’idée de traiter d’un meurtre par le regard de l’avocate est également une bonne idée en théorie mais je n’ose imaginer ce que cela peut donner à travers les yeux de cette narratrice-gamine.

J’ai eu ce roman via un abonnement à la box Exploratology et je vous avouve que je m’attendais à bien mieux de la part d’une box qui est censée sélectionner ses livres… Bref, une sacrée déception !

Référence

Harriet Tyce, Mon premier meurtre, traduit par Johan-Frédérik Hel Guedj, éditions Pocket, 406 pages

La petite princesse – Frances H. Burnett

Faut-il résumer ce grand classique de la littérature jeunesse ? Sarah est une petite fille quand elle arrive à Londres. Auparavant, elle vivait avec son père aux Indes, élevé uniquement par lui, sa mère étant décédée en couches. Il la place dans un pensionnat pour parfaire son éducation de future jeune femme de la haute société anglaise. Elle y vit comme une reine, dans une somptueuse chambre et ne manque de rien. Elle a beau avoir tout pour elle, elle reste une petite fille généreuse et gentille avec ses camarades et n’a jamais un mot plus haut que l’autre. Un jour, on lui apprend que son père est décédé après avoir perdu toute sa fortune. N’ayant aucun parent, elle devient pauvre et orpheline du jour au lendemain. La directrice du pensionnat la garde donc chez elle, à condition qu’elle devienne une servante. La vie de Sarah change alors du tout au tout.

Quel plaisir immense de relire ce roman qui m’avait tant émerveillée dans mon enfance ! Certes, beaucoup de réactions de Sarah sont très caricaturales et le perfectionnisme de son caractère peut avoir de quoi en agacer plus d’un, mais je n’ai guère prêté d’attention à cela, trop en joie de cette relecture. Lire La Petite Princesse ouvre un imaginaire qui a tout pour me plaire puisqu’on se retrouve plongé dans la ville de Londres au XIXème siècle, où surgit un univers exotique, celui des Indes anglaises. Sarah a une imagination foisonnante et un optimisme à toute épreuve, qui m’ont enchantée. Je ne peux que recommander chaleureusement de lire ce joli roman, et notamment avec ses enfants.

Référence

Frances H. Burnett, La petite princesse, éditions Folio, traduction de Paulette Vielhomme-Calais, 288 pages

Le château de Cassandra – Dodie Smith

Dans les années 1930, Cassandra est une jeune fille qui écrit son journal depuis un immense château anglais, dont la concession a été achetée pour 40 ans par son père, avec ses droits d’auteurs à l’époque où ils étaient riches. Elle y vit avec sa soeur Rose, son père et sa belle-mère. Ils ont dilapidé toute la rentrée d’argent de son père et celui-ci n’écrit plus rien depuis plusieurs années. Aucun d’entre eux ne travaillant ou ne semblant avoir une quelconque compétence ou envie pour travailler, ils doivent faire énormément d’économies, ne mangent pas à leur faim, s’habillent en haillons et ont froid l’hiver. Un jour, des voisins américains qui sont aussi les propriétaires du château débarquent.

Cassandra prévient le lecteur, elle s’essaie à l’écriture rapide et détaillée. J’ai beau avoir été avertie dès le début de ma lecture, cela ne m’a pas empêchée d’être gênée par ce choix littéraire. L’écriture de la narratrice est donc très bavarde et l’abondance de détails insignifiants m’a vite ennuyée. Pourtant, j’avais commencé cette lecture avec beaucoup de plaisir car je me plaisais beaucoup dans cet environnement à la fois romanesque et mystérieux. Quoi de mieux qu’un vieux château perdu dans la campagne anglaise des années 1930 pour s’évader ? Cette atmopshère et cet environnement m’ont beaucoup fait pensé à Northangger Abbey de Jane Austen (en me donnant très envie de le relire). Il faut dire que la narratrice fait elle-même référence à la grande écrivaine anglaise en faisant le lien entre l’arrivée des riches voisins américains et le début d’Orgueil et préjugés. Peut-être l’intrigue n’était-elle pas à la hauteur de l’ambiance si particulière du roman ? Ou au contraire, des rebondissements manquaient peut-être à être un peu plus vraisemblables ? Ou peut-être étaient-ce les personnages, qui ne m’ont pas convaincus ? Quoiqu’il en soit, je ne suis pas allée jusqu’au bout de ce classique anglais de la littérature jeunesse/ado, même si j’aurais aimé savoir ce que devenaient Cassandra et Rose.

Il existe une adaptation cinéma de ce roman, que j’espère pouvoir regarder un jour et qui me plaira probablement plus que l’oeuvre originale.

Référence

Dodie Smith, Le château de Cassandra, traduit par Anne Krief, éditions Gallimard Jeunesse, 576 pages

Mon bilan de novembre et décembre

Poour raison de pouponnage, mon bilan de lectures de novembre et décembre est assez ténu et risque encore de l’être en janvier même si j’ai repris la lecture depuis quelques jours. Sur le peu que j’ai lu, j’ai eu un coup de coeur pour le très bon roman de mon amie Coralie Bru. Je vous encourage vraiment à le lire. Pour cela, vous pouvez le commander chez votre libraire ou bien sur le site internet de Librinova.

Mes coups de coeur

Mes autres jolies lectures

Dans les prochaines semaines, j’essaierai de publier un bilan de mes lectures 2020.

Radicales – Coralie Bru

Julia a la cinquantaine, elle est correctrice. Un jour, elle a le pressentiment que quelque chose ne va pas dans la vie de sa fille et adolescente Lucie. Son instinct est le bon et celle-ci lui confie un secret et lui demande de l’aider, sans rien dire à leur entourage familial proche. Ce secret lui révèle sa fille, dont elle ne soupçonnait pas la force, tout en ouvrant la porte à d’autres secrets tus.

J’ai mis beaucoup de temps à me lancer dans l’écriture de cet article car je craignais qu’il ne soit pas à la hauteur du roman. J’ai en effet été très touchée par la finesse de Coralie Bru, sa manière de parler de sujets importants et trop peu abordés dans la littérature. Ce qui m’a le plus émue est bien entendu le thème de l’interruption de grossesse (que celle-ci soit volontaire ou médicale), et aussi celui de la manière dont les enfants échappent à leurs parents en grandissant. J’ai été surprise par le fait que ce sujet me touche autant. Il y a une émotion et un tel recul dans la voix du personnage principal, qui m’a permis de me mettre à la place de mes propres parents et de ressentir les émotions qu’ils ont certainement dû éprouver en voyant leurs enfants grandir puis partir de la maison. Même si c’est exactement ce que je recherche dans la littérature, il est rare qu’un roman me fasse un tel effet empathique, jusque dans ma propre vie. Et c’est bien là la puissance de Radicales : les personnages incarnent parfaitement la réalité vécue par les femmes à propos de leur grossesse, qu’elles décident de l’interrompre ou bien qu’elles subissent une perte tragique. Il y a une telle justesse dans ces personnages, leurs dialogues, leur vécu, qu’il est impossible de ne pas faire le lien avec nos histoires personnelles ou celles de nos proches. A peine refermé, c’est un roman que l’on a alors envie d’offrir aux femmes qui nous entourrent.

J’ai beaucoup apprécié la tonalité de Radicales, qui aborde des sujets douloureux avec délicatesse mais aussi avec une touche d’humour. Plusieurs fois, j’ai souri devant certains détails, ce qui m’arrive habituellement peu en lisant. Je crois que je fait que la narration soit écrite du point de vue de Julia y est pour beaucoup. Cela apporte beaucoup d’humanité, d’émotion, Julia ayant à la fois une forme de sagesse et aussi une naïveté sur certaines choses.

Radicales est le roman de Coralie Bru qui m’a le plus touchée et je vous le recommande de tout mon coeur.

Référence

Coralie Bru, Radicales, Librinova, 247 pages